Au-delà du bras de fer qui a commencé, le lancement de cette chaîne, comme de celles dont peuvent théoriquement bénéficier TF1 et M6, pose des problèmes techniques et financiers qui n’ont pas encore été réglés. En attendant, la Bourse a déjà sanctionné TF1 (- 3,53 % ) et M6 (- 1,46 %) qui pourraient être les principales victimes de cette offensive du groupe dirigé par Bertrand Méheut. En voulant lancer Canal20 - son nom de code -sur la TNT) d’ici à la fin de l’année, Canal + s’invite en effet dans le jardin des deux généralistes privées qui militent, elles, pour un gel sur le front des lancements de chaînes.

« Je ne crois pas à l’idée d’une chaîne uniquement dédiée aux CSP+. Si Canal+ veut faire de l’audience, il faut faire des programmes accessibles au plus grand nombre », note un expert. Dotée d’un budget qui serait finalement d’au moins 50 millions d’euros, la nouvelle venue du PAF aura les moyens de faire jeu égal avec TMC et W9, les deux leaders de la TNT, et de grignoter des parts d’audience à TF1 et M6, mais aussi à France Télévisions. « Ce n’est pas une bonne nouvelle pour TF1 et M6, car, mécaniquement, l’audience sera plus émiettée. De plus, Canal20 aura un accès privilégié à certains programmes », note un autre expert. Premier risque : celui de l’inflation du prix des séries américaines, valeurs sûres des programmations de M6 et TF1. Ensuite, Canal+ dispose d’un réel atout avec son savoir-faire dans la création originale française, qui enregistre de très bons scores d’audience sur son antenne. Ni TF1 ni M6 ne faisaient le moindre commentaire.

Pour Canal+, ce virage vers la télévision gratuite peut s’analyser comme la volonté de trouver de nouveaux relais de croissance, le groupe ayant fait le plein dans la télévision payante en France. Selon les chiffres communiqués dans le document de son introduction en Bourse, Canal+ totalisait 6,154 millions d’abonnés individuels en France métropolitaine en 2010, soit près de 250.000 de moins qu’en 2008. Sur cette même période, le nombre d’abonnements (un abonné est parfois titulaire de deux abonnements, Canal+ et CanalSat) a toutefois légèrement augmenté (+ 45.000) mais c’est au prix de l’explosion du coût d’acquisition de chaque abonnement, passé de 273 à 339 euros en deux ans, soit une augmentation de 24 % ! Mais ce virage vers le gratuit comporte aussi un risque : voir la chaîne gratuite empiéter sur les plates-bandes de la payante.